La contraception testiculaire, à Chambéry et ailleurs

Une petite histoire de la contraception testiculaire en France, proposée par le collectif chambérien Coup de chaud.

Il était une fois, la contraception hormonale

 
Dans la deuxième moitié du XXIème siècle, après plusieurs décennies de recherche et de militantisme, les premières pilule de contraception orale, à destination des femmes cis font leur entrée sur le marché. Plusieurs générations de pilules plus tard, les techniques se sont affinées, et les connaissances ont avancé. Aujourd'hui, avec les stérilets cuivre et hormonaux et les implants, une large palette de méthodes contraceptives est accessible aux personnes à uterus.
Force est de constater cependant que les impacts sur la santé de la contraception restent profonds et inégalement répartis entre les genres :
  • les pilules hormonales provoquent chez certaines personnes des effets secondaires légers à graves, allant de la perte de libido à l'augmentation de risques de certains cancers.
  • La modification du cycle menstruel, parfois à partir d'un très jeune âge, est largement banalisé en France. Parfois proposée comme régulateur menstruel ou traitement contre l'acnée, la pillule hormonale est diffusée très largement avec peu d'information sur les conséquences néfastes sur la santé de l'absorbtion prolongée d'hormones et à des personnes parfois très jeunes qui ne vivrons parfois jamais leur cycle menstruel naturel.
  • les stérilets cuivre peuvent provoquer des douleurs menstruelles et des infections génitales.
Plus largement, il existe de nombreuses critiques visant les méthodes de contraception dites "féminines" :
  • leur dépendance à des laboratoires pharmaceutiques pour la production d'hormones, alors que chaque année amène son lot de scandales sanitaires et financiers entourant ces industries.
  • l'accès à la contraception, en terme de légalité, d'anonymat, et de prise en charge par les systèmes de sécurité sociale, sont très variables selon les pays.
  • la charge mentale liée à la contraception (se souvenir de prendre la pilule à heure fixe, s'approvisioner, gérer les effets secondaires, craindre les grossesses non désirées) reposent, dans le cas des couples cis hétéros, généralement uniquement sur les femmes.
 
La seule méthode bien connue de contraception qui ne repose pas intégralement sur les personnes à uterus est aujourd'hui le préservatif. Et si celui-ci reste incontournable pour lutter contre la propagation des IST, son efficacité contraceptive est imparfaite, car souvent mal utilisé, et ne convient pas à tout le monde. Reste donc un trou dans la raquette de la contraception : si la contraception est un droit fondamental et une nécessité pour librement disposer de son corps, alors pourquoi repose-t-elle encore aujourd'hui sur les personnes qui pourraient subir des grossesses non désirées ?
 

Les contraceptions testiculaires

 
Voici maintenant une deuxième histoire : au lendemain de mai 68 et de la revitalisation du mouvement féministe qui s'en est ensuivie, des groupes d'hommes (pour beaucoup des conjoints de membres de groupes féministes) se regroupent autour d'une revendication : la contraception masculine. Partageant le constat que la charge de la contraception est inégalement répartie, et militant plus globalement pour la responsabilisation de chacun⋅e sur ses capacités de conception, ces groupes créent rapidement l'association ARDECOM qui va concentrer pour les décennies à venir les efforts de recherche et de popularisation des méthodes de contraception dite "masculine", ou plus justement "testiculaire".
 
Dès l'origine, une des méthodes existantes dont ce mouvement s'empare est celle de la vasectomie, c'est-à-dire le blocage de l'acheminement des spermatozoïdes par intervention chirurgicale sur les canaux déférents. Connue et pratiquée plus ou moins clandestinement depuis le début du XXème siècle, elle est considérée définitive, et efficace à 100% pour la prévention des grossesses non désirées. Pour faire écho à des propos récents de certains responsables politiques, il est intéressant de se rappeler que la vasectomie a longtemps été pratiquée dans les milieux libertaires et pacifistes, comme opposition à des politiques nationalistes et natalistes de l'État, comme le décrit Elodie Serna dans son livre "Opération Vasectomie" (Libertalia, 2021). Si elle reste peu répandue en France, bien que légale et bien remboursée, sa pratique va jusqu'à 20% des hommes cisgenres dans certains pays anglo-saxons.
 
Cependant, les expérimentations de ces collectifs se sont également tournées vers des méthodes réversibles, permettant aux personnes à pénis de se contracepter tout en gardant la possibilité d'avoir des enfants plus tard. Si on cherchait par symétrie au début une "pilule masculine", une méthode bien plus DIY finit par être développée : on la baptisera "méthode thermique", car elle repose sur le principe de réchauffement des testicules par la chaleur corporelle. En effet, les testicules sont en temps normal "hors du corps", dans les bourses, où la température est inférieure de 2°C à celle du corps. En remontant et maintenant les testicules dans les canaux inguinaux, à l'aide de dispositifs cousus mains, on parvient sans douleur ni gêne à exposer les testicules à la chaleur corporelle. Dans ces conditions, le développement des spermatozoïdes est impacté, et au bout de quelque mois de port quotidien, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme chute. Avec elle, la fertilité : on considère "contraceptée" une personne avec un taux de spermatozoïde mobiles inférieur à 1 million / mL, là où l'OMS considère qu'il devient "difficile de procréer" avec un taux inférieur à 15 millions / mL (un taux "classique" va de 40 à 200 millions / mL). 
 
Cette méthode thermique peut être suivie grace à plusieurs dispositifs différents, certains fabricables avec une machine à coudre et quelques euros de mercerie (modèles "slip toulousain" et "jockstrap"), certains lavables et commercialisés sur Internet (anneaux en silicone). On vérifie son efficacité régulièrement par des spermogrammes en laboratoires. Des formations et des protocoles expliqués à destination des médecins existent, ainsi que de nombreuses ressources à l'usage des contracepté⋅es.
 

Un collectif à Chambéry

 
Aujourd'hui, de nombreux collectifs portant le sujet de la contraception testiculaire existent en France. Ils organisent des ateliers de fabrication de dispositifs, tiennent des stands d'information et se posent en interlocuteurs des médecins et de toute personne souhaitant tester la méthode thermique. À Chambéry, le collectif Coup de chaud regroupe aujourd'hui 4 personnes, ayant organisé depuis l'été 2023 plusieurs ateliers d'information autour des méthodes thermiques et de la vasectomie.
 
Nous souhaitons diffuser ces méthodes, tout en ayant conscience de leurs imperfections, parce que nous pensons que la contraception a une place centrale dans l'égalité des genres. Nous souhaitons informer sur ces méthodes, non pas pour qu'elles se substituent aux méthodes de contraception existantes, mais pour qu'elles s'y ajoutent, apportant avec elles une nouvelle approche de la contraception, et une nouvelle manière de concevoir le rapport entre les genres.
 
Nous souhaitons organiser des ateliers et des permanences d'information régulièrement sur Chambéry, et serions heureux de vous trouver nombreu⋅ses à cette occasion. N'hésitez pas à nous rencontrer ou nous contacter pour toute question sur ces méthodes. Nous ne sommes pas médecins, mais il nous tient à cœur de partager nos connaissances et nos expériences. Notre collectif est ouvert à toute personne souhaitant s'y impliquer, en mixité et en autogestion.
Vous pouvez suivre nos actualités sur notre site web, et sur notre boucle mail. Notre adresse mail est coupdechaud [at] proton.me.
 
… et retrouvez nous à la rentrée de l'Insolente le vendredi 04 octobre ! 


Publié le : 30 septembre 2024 22:50
Coup de chaud

A propos de Coup de chaud

Coup de chaud est un collectif autogéré créé sur Chambéry pour parler de contraception testiculaire. Contraception thermique ou vasectomie, des méthodes de contraception efficaces existent quand on a un pénis. Pourtant, elles sont souvent mal connues et mal comprises. Nous souhaitons créer des espaces de discussion autour de la contraception, dans une perspective de lutte pour l'égalité des genres. Tous nos ateliers et informations sur notre site web : https://coupdechaud.fr.

 

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